vendredi 23 novembre 2012

CHAPITRE 3


— C’est parti, gamin ! Allons-y, j'pense qu'on a assez papoté pour aujourd'hui...
— Où va-t-on ? Demanda Arion à son nouvel ami.
— On r'tourne au palais, normal’ment Balgar et ses bruyants compagnons ont fini de s'quereller...
— Alors en route, maintenant que j'ai compris certaines choses. Mais... juste une dernière question. 
Arion avait toujours du mal à digérer ces informations et ce que cela impliquait pour lui et les siens. 
— Quoi gamin ? J'pense pas pouvoir t'en dire plus sur toi et c'qui t'arrive... J'suis pas comme Apus moi, j’suis pas la Mémoire comme elle s'nomme. 
— Non, il ne s'agit pas de ça. Mais plutôt de quelque chose de plus personnel.
— Et en quoi un pauv' nain comme moi pourrait aider un humain ?
— Comment ça va se passer pour moi, vous voyez, mes parents adoptifs, pour moi c'est toujours mes vrais parents. Alors comment je leur expliquer cette situation ? Mon père n'aime pas trop que je lui pose des questions sur le monde au-delà de la cité, et ma mère craint pour moi à chaque fois que j’entreprends le moindre travail. 
— Te fais pas de soucis pour ça, c'brave Daktiro a déjà dû aller prévenir ton père et d'ici peu, ils seront placés sous la protection d'Balgar.
— Je vois. Alors plus rien ne m'empêche de suivre cette voie ?
— Nan gamin, la seule chose qui risque de t'retarder c'est ton manque de connaissance dans l'art du combat. Mais ça peut s'résoudre vite, on va t'former vite fait bien fait.
Rapidement, ils arrivèrent en vue de la route tortueuse menant au palais et Herick se rua à leur rencontre.
— Seigneur Einkill ! Seigneur Einkill ! Le roi vous fait mander sur le champ avec Arion !
— Et c'est quoi l'urgence mon p'tit gars ?
— Le roi aurait envoyé Alfard chercher sa fille et ils reviennent. Le roi demande expressément Arion afin de le confronter à la princesse.
La voix du jeune homme sonnait pressante, mais le nain n'eut pas le temps de mesurer l'importance de la requête tant il était abasourdi par ce qu'il entendait. « Alfard, une fille ? Avec Apus ? C'est l'monde à l'envers ! Je comprends pas... Pourquoi ? » puis son regard s'arrêta sur Arion.
— Maître Einkill ? Demanda Arion intrigué par son brusque changement d'attitude. Vous allez bien ?
— Je... Je... J’ai enfin trouvé la réponse à une de tes questions... Viens !
Ils n’eurent pas le temps de lui demander plus d’informations, que déjà il se ruait en direction de la forteresse.
— Je ne pensais pas que les nains couraient si vite. Râla Arion. Je les imaginais plutôt lents...
— Si vous saviez... Le roi me parle souvent de ses batailles d'antan et de ses amitiés avec les autres peuples. D'après lui, ils sont loin de ressembler à ce que l'on peut lire dans les livres. Ils seraient même tout le contraire.
— Tu es sûr que tu es simplement un serviteur ? 
Le jeune homme parut s'offusquer, mais sourit très vite. 
— Je suis au service de Sa Majesté. J'ose espérer qu'il me considère comme une personne de confiance sur qui il puisse se reposer. Le roi m'a recueilli alors que j'étais orphelin et m'a placé sous sa propre autorité. J'ai suivi les cours de ses maîtres d'armes, je sais monter à cheval et lire une carte de guerre. Je lui dois beaucoup. 
— Je vois, il doit tenir à toi alors ?
— J'aime à le croire. 
Le regard dans le vague Herick continua son avancée et bientôt ils rattrapèrent Einkill.
— V'nez les jeunes on va direct à la salle d'réception.

*

Le soleil pointait haut dans le ciel, la chaleur se faisait de plus en plus insoutenable pour Larya. Depuis maintenant une bonne heure, elle chevauchait sous la garde de Sagitta et d'Amalak. Les deux guerriers la regardaient avec crainte et respect. Ils n'oublieraient jamais cet instant où la belle princesse, dans sa folie destructrice, avait abattu la Grande Nuit sur le seigneur son père. Sagitta avait pu arriver à temps pour la raisonner et la faire sortir de sa transe tandis qu'Amalak se rongeait les sangs à l'idée de voir son souverain et ami périr sous ses yeux. Ce n'est que quelques minutes après l'attaque qu'il comprit qu'Alfard avait aisément évité le coup meurtrier. Nouvelle qui ne plut guère à Larya qui s'était dès lors enfermée dans un silence de mort, jetant, de temps à autre, des regards noirs à son géniteur.
Sagitta avait ralenti l'allure pour se placer au côté de sa protégée et d'un ton serein lui demanda enfin une explication.
— Enfin Larya, j'aimerai comprendre une bonne fois pour toutes pourquoi. Pourquoi as-tu utilisé ce pouvoir sur ton père ?
— Il m'a cherchée ! 
— Ne joue pas à ce jeu avec moi ma fille ! S'emporta la guerrière. Tu sais comme moi que tu n'as pas le droit de porter la main sur le seigneur allié de ta mère et qui plus est, ton propre père ! 
Le regard inquisiteur s'abattit sur elle sans qu'elle ne s'y attende. Sagitta tenta de le soutenir, en vain. 
— Mon père ? Non je ne crois pas mon maître. J'ai une mère, je t'ai toi. Mais je n'ai jamais eu de père. Un géniteur rien de plus.
— Tu devrais t'entendre parler... Tu fais honte à ton peuple ! 
— Mon peuple est le tien. Comme moi, nos femmes méprisent les elfes pour leur faiblesse. Nous sommes toi et moi, plus puissantes que ces deux individus alors pourquoi devrais-je leur montrer du respect ?
— Tu n'es pas au courant jeune fille, la coupa Amalak, mais ton maître a perdu contre moi aujourd'hui. Ce qui nous met à égalité en combat loyal et singulier. Nous autres, elfes, ne sommes pas plus puissants que vous, seulement nous sommes plus patients. Le calme est un atout majeur. Ta mère aurait dû te l'apprendre...
— Amalak ne l'énerve pas... Râla Alfard. Je ne tiens pas à lui courir après à nouveau.
Le général étouffa un rire moqueur.
— Dis plutôt que tu n'as pas envie de te prendre encore la tête avec Apus. 
— Disons que tant que je suis invité par Balgar je dois me plier à ses désirs.
— Ce qui ne te ressemble pas d'ailleurs...
— Je lui dois beaucoup, il est rare de trouver des mortels aussi coopératifs que lui.
— Coopératifs ? Amalak releva un sourcil interrogateur.
— Disons qu'il demeurera un ami tant qu'il vivra sur ces terres.
— Bien, mais je persiste, j'ai gagné contre Sagitta ! Quelle est ma récompense, mon seigneur ?
Alfard se retourna vers lui, le toisa de la tête au pied avant d'esquisser un sourire narquois.
— Depuis quand je dois te donner une médaille pour avoir vaincu Sagitta ?
— Je ne sais pas, je viens d'inventer cette règle. Si elle ne te convient pas, on peut négocier.
— Ne fais pas comme si je n’étais pas là elfe ! J’entends ce que tu mijotes et cela ne me plait guère. 
Le général fit la moue avant de lui adresser le plus séducteur des sourires.
« Les déesses me préservent pourquoi fallait-il qu'il soit aussi beau ? »
— Oh, mais je ne t'ignore pas et j'ai trouvé ma récompense. 
Il mit son cheval au trot pour se tenir proche de son roi ?
— Alfard , j'ai quelque chose à te demander et cette fois-ci c'est plus que sérieux.
— Allons bon, je n'ai pas vraiment envie de rentrer dans ce genre de conversation avec toi tu sais.
— Je sais et pas la peine de râler ou de lever les yeux au ciel, tu ne pourras échapper à cette question plus longtemps. Il me semble en plus que je te l'ai déjà posé et que tu ne m'y as jamais répondu.
— J'ai mes raisons.
— Décidément tu es d’une lâcheté à toute épreuve !  
Larya faillit tomber de sa monture tant elle était abasourdie par les propos d’Amalak. Jamais au sein de son peuple un sujet de sa mère ne se serait permis d’ainsi la traiter de lâche devant les représentants d'un autre peuple. Ce général ne respectait rien pas même son souverain et son autorité. Il était tant de remettre de l'ordre à tout cela.
— Dites-moi général depuis quant un sujet du roi se permet-il de tels propos injurieux à l’encontre de son suzerain ? Vous pourriez être mis à mort pour avoir proféré de telles paroles.
Amalak jugea la jeune princesse se demandant pourquoi elle avait décidé de lui parler. Larya quant à elle s'attendait à ce qu'il présente ses excuses à son seigneur, la réaction fut toute différente. Il éclata de rire et donna un grand coup dans l'épaule de son ami.
— T'entends ça ! Elle prend ta défense maintenant. Je l'aime bien cette petite finalement.
— Si tu le dis.
— Tu ne pourrais pas faire des réponses plus longues ?
— Pourquoi ?
— Laisse tomber... râla-t-il. Je crois que tu es irrécupérable...
C'en était trop pour Larya qui porta la main à sa dague. Geste qui fut arrêté immédiatement par son père. 
— Pourquoi ne le punissez-vous pas ! Brailla-t-elle. Il vous juge et vous insulte, vous ! Son souverain ! 
— Je crains que tu ne connaisses pas grand-chose des liens qui peuvent unir des amis, ma fille aussi vais je prendre la peine de t'expliquer et tant pis si mes discours t'ennuient ou si tu ne trouves pas mon discours plausible ou même intéressant.
— Pourquoi tu fais des phrases plus longues avec elle qu'avec moi ? Bouda Amalak en fixant d'un œil amusé le pommeau de sa selle dans l'attitude d'un enfant blessé.
— Tu embêtes tout le monde, tu sais. L'enchaina Sagitta, amusée par son attitude.
— Je ne t'ennuie pas, j'espère ?
— Quand tu me fixes avec cet œil gourmand j'ai du malà retenir mes lames dans leurs fourreaux.
— Alors tout baigne ! Continuons notre route en écoutant le long et pénible discours du seigneur des elfes sur un sujet tout aussi barbant.
Alfard lui dédia un regard noir avant d'accélérer l'allure suivie par la petite troupe.

*

Einkill entraîna les deux jeunes hommes jusqu'au lieu de rendez-vous fixé par le roi. À leur entrée ils trouvèrent Balgar affalé dans un fauteuil et Apus faisant les cent pas devant une large cheminée. La vaste salle ne comportait aucune fenêtre et la chaleur du brasier rendait la belle souveraine irascible.
— Ne peux-tu pas faire éteindre ce feu ? s’emporta-t-elle, planté devant lui.
— Non, car vois-tu, mes os sont vieux et usés et mon cœur ne tient plus autant la chaleur que dans ma jeunesse. Il est fini le temps où je me baladais nu dans la neige.
— Et cette époque-là me manque mon ami ! rugit Einkill, en entrant dans la grande pièce suivie de ses deux compagnons.
— Tu as rencontré Herick à ce que je vois. Je savais que je pouvais te faire confiance mon garçon. 
Arion remarqua la façon dont le vieux roi regardait son jeune serviteur. Il pouvait presque le sentir dans sa chair, l'émotion, quasi palpable, qui envahissait Balgar à la vue d'Herick. 
La pierre dans sa poche irradia soudain, il l'emprisonna dans son poing et la sortit discrètement, tournant volontairement le dos à l'assemblée. Doucement il lui murmura quelques mots. Mais tenter de la calmer semblait cause perdue. Apus se dirigea alors vers lui et lui posa une main affectueuse sur l'épaule quand la porte de la salle de réception s'ouvrit à nouveau. Cette fois-ci, Alfard fit son entrée suivie par trois autres personnes. Le cœur d'Arion se broya dans sa poitrine. La jeune fille qui l'accompagnait, l'aura qui s'en dégageait, son port royal, tout en elle l'attirait jusqu’à sa longue chevelure sombre, qui descendait dans son dos et encadrait un visage, en tout point, parfait. Alfard s'approcha de Balgar et lui murmura quelques mots à l'oreille avant de se rendre auprès d'Apus. Ils eurent un bref échange et la reine des Galaxies se rua sur la jeune fille visiblement très énervée.
— Comment as-tu osé lever la main sur ton père ! Je te l'ai toujours défendu ! Tu ne comprends pas les impacts qu'aurait pu avoir cet acte si ton attaque l'avait tué.
Mais la princesse ne lui prêtait aucun intérêt, son regard ne déviait pas d'Arion. Elle lui adressa un sourire animal avant de reporter son attention sur sa mère.
— Tu as de la chance que ton père soit bien plus puissant que toi et que ton assaut ne l'ait même pas effleuré.
— C'est bon, j'ai compris... Je me suis fait remonter les bretelles par Sagitta... râla-t-elle.
— Non ça ne suffit pas Larya ! S'emporta Apus avant de se retourner paniquer vers Arion qui tenait la pierre cristalline au creux de sa paume et dont le sceau de la Mort Subite enflammait sa chair. « Que fais-tu là mon garçon ? Ne joue pas avec ce pouvoir ! 
Mais Arion ne pouvait déjà plus l'entendre, telle une illusion elle se mouvait devant lui sans que son corps ne puisse réagir.
— Bon, ça ira comme ça, Larya on va te mener à tes appartements ! 
— Pardonnez-moi Majesté, mais je crains de ne pouvoir accéder à votre requête. Je ne me suis pas déplacée sur une si longue distance pour aller me reposer... Voyez-vous, j'avais une personne à rencontrer. 
Elle s'approcha d'Arion, et déjà sa démarche et son attitude n’étaient plus celles de la princesse. 
— Qui êtes-vous ? Croassa Apus au bord de la crise de nerfs. Cette voix n'est pas celle de ma fille ! 
— Comment ? Vous ignorez donc qui je suis. C'est pourtant vous qui m'avez mise au monde...
— Non ! Vous n’êtes pas mon enfant ! Alfard ! Balgar ! Enfin ! Faites quelque chose ! 
Mais Alfard ne bougeait pas et Balgar regardait le spectacle avec grand intérêt.
— Allons Apus n'soit pas si têtue... T'sais qui sait quand même... T'es pas trop bête nan ?
— Tais-toi Einkill ! 
— La mémoire hein ? ricana une seconde voix, masculine.
Elle se tourna vers Arion, sans vouloir y croire, cela semblait tellement irréel, et pourtant... Balgar quant à lui s’approcha fébrilement d’eux.
— Impossible ! Je n'en crois pas mes yeux ! C'est magnifique ! Enfin ! Si seulement...
— Allons mon ami, pourquoi ces larmes ? 
— Ha Alfard si tu savais ! Je pense que la Reine Dariah aurait su quoi dire, ou quoi faire en ces circonstances. Ces retrouvailles lui aurait fait tant plaisir, elle qui vécut lors de leur règne.
— Je sais mon frère. Elle aurait apprécié cet instant.
— Faite comme si on n’était pas là ! 
— Pardonne-moi Arion non, pardon... Pardonnez-moi Kalicha. Mais c'est un grand moment pour moi, modeste successeur de Dariah.
— Vous connaissez mon identité, l'ami, mais j'ignore la vôtre. Vous vous dites héritier de la reine Dariah.
— Fort bien. Je me prénomme Balgar Seigneur de Daroh.
Il ne lui accorda pas plus d’intérêt qu’à un moucheron et se retourna vers la princesse
— Bien. Et toi ? Ça fait longtemps ?
La jeune fille s'enfonça dans le premier siège qu'elle trouva à sa portée et souffla l'air las. 
— Depuis sa naissance quasiment, on peut même dire depuis sa conception. Par contre je ne me suis pas dévoilée à elle. C'est la première fois. Mais bon, elle devait s'en douter. Elle est la fille de la Mémoire alors je pense que quelques bribes de mon passé ont dût atterrir dans son subconscient. Mais rien de bien méchant. Cela ne remonte pas plus loin que la première Grande Guerre.
— Ce temps-là est révolu pourtant, nous sommes toujours ici. Cette fois-ci on va devoir jouer le tout pour le tout. Ils doivent être prêts ! 
— Presque quinze ans qu'on est là tous les deux, elle se releva et s'avança vers lui pour l'enlacer, crois-tu que nous ayons perdu notre temps ?
— Toi non, peux-être. Tu as investi un corps puissant et compréhensif.
— Quoi ? Tu trouves que cette fille est compréhensive ? Tu me trouvais compréhensive peut-être ?
— Pas besoin d'être si agressive tu sais Solstyce... 
— Et toi si négligeant ! Tu n'as même pas pris la peine d'esquisser, ne serait-ce que le moindre effort pour sa formation !
— Attend ! Ne me dis pas ce que je devrais faire ! T'aurais vu le père que je me suis tapé...
— S'il vous plaît ? Amalak les sépara lentement sous leur regard incompris. Oui je... Désolé les amoureux, mais je préfère que vous teniez un tant soit peu vos distances si ça ne vous dérange pas. Vous êtes encore des enfants alors si vous pouviez éviter de vous coller comme ça... Disons que ça fait un peu désordre.
Sagitta s'approcha de la princesse possédée et l'attira affectueusement vers elle. 
— Ne vous inquiétez pas Sagitta je ne ferai rien qui soit dégradant pour le corps que j'habite.
La guerrière la regarda comme sortie du néant. “Comment connaissez-vous mon nom ?”
— Oh ! Mais je sais bien d'autres choses que vous n'avez confiées qu'à cette jeune fille. Dois-je étaler ces petits secrets au grand jour ou vous laisser régler ces dilemmes seule ?
— Je pense que je vais pouvoir me débrouiller... répondit rapidement Sagitta en lui serrant un peu plus le bras.
Solstyce lui adressa un regard compréhensif et se dégagea de son étreinte avant de se tourner vers Amalak et de lui effleurer la joue de sa main. “Dommage vous gâchez une opportunité, cet elfe est d'une grande beauté.”
Elle s'approcha à nouveau de son maître et lui caressa la tête amoureusement.  “Et tu le sais n'est-ce pas ?”
Surprise, Sagitta se libera de la caresse fraternelle. Puis, la stupeur se fit horreur quand elle aperçut le visage effaré du général des armées elfes. L'horreur devint bientôt folie au moment où elle porta la main à son épée. Mais Apus fût plus rapide et l’intercepta avant même que le premier coup ne soit porté. Mais le mal était fait, Sagitta cracha au le visage de la princesse, lui hurlant dessus, couvrant ses rires moqueurs.
— Tu as brisé un serment ! Tu n'avais pas le droit !
— Moi ? Mais je ne suis pas Larya... Je n'ai donc rompu aucun pacte... Hein Kali ?
Kalicha pouffait dans son coin, désespérément il reprit son sérieux avant d'empoigner sa compagne au bras.
— Je crois que tu as fait assez de gaffes pour aujourd'hui. Et si nous leur donnions plutôt nos indications.
— Mouais il s'rait temps avant qu'on s'entr'tue. J'm'attendais déjà pas à voir un gosse d’Alfard et d’Apus alors maint'nant j'suis encore plus impressionné... La gamine en question c'est la dompteuse de dragons ! M'enfin, ma vie aura été bien remplie final'ment ! Allé les jeunes, c'est quoi vos instructions ?
— Non, mais il se prend pour qui le nain ? Je suis âgée de la création de ce monde moi ! 
— Tu préfères peut-être que j’t’appelle “la vieille” ? Rétorqua Einkill amusé.
— Bon écoute Sol, reste calme, ne t'énerve pas, oublis pas qu'on a que quinze ans...
— De corps pas d'esprit...
Agacé, Alfard mis fin à cette discutions platonique d'un coup de poing dans le mur. L'effet fut immédiat. Balgar effectua un bond titanesque dans son fauteuil et tous se turent. Durant quelques minutes un silence de mort s'instaura paisiblement. Chacun fixait le seigneur elfe et le trou béant où se trouvait sa main. 
— À présent vous allez tous m'écouter attentivement. 
En effet, ils ne pouvaient faire autrement, car le seigneur elfe ne leur parlait pas simplement de vive voix, mais s'immisçait dans leur âme. D'une voix sans faille il enflamma leurs cœurs. “Jamais je n'ai vu autant de disputes inutiles. Alors, écoutez-moi. Je ne me suis pas éloigné de mon peuple, ni Apus d'ailleurs, pour supporter vos pleurnicheries. Nos peuples, et je parle au nom de tous, ici, on besoin de cette alliance pour survivre face à la menace qui se profile. Si Kalicha et Solstyce se sont réincarnés, ce n'est pas un simple hasard. Vous le savez tous. L'heure du dernier affrontement approche. Nous tous, ici présents, devons choisir le chemin qui nous mènera, ou non, à la victoire. Nous sommes tous, aujourd'hui, et a jamais, réunis dans le seul et unique but de préserver notre monde de la menace grandissante du Dieu-Démon. Décidez-vous maintenant. Car moi, je n'ai pas de temps à perdre. Je n'en ai jamais eu. Et si toutefois vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord, je veillerai personnellement à ce que tout se passe comme il se doit. 
Il marqua une courte pause et se tourna vers Larya. ‘Solstyce ? Quand est-ce que les Dragons ont prévu de se joindre à nouveau dans l'alliance ?
— Ils attendront que nous venions à eux. Je me suis éveillée, et même si je ne possède pas le même corps que jadis je sais que Dragnar aura sentit mon retour. Il aura fait immédiatement la liaison et aura compris que Kalicha est là lui aussi.
— Combien de temps avons-nous ?
— Le temps ? Nous n'en avons pas seigneur. Je crains que beaucoup d'événements hors de notre portée ne soient déjà en marche.
Solstyce s'approcha du mur et s'entailla la main. Du sang qui s'en écoula elle y traça un étrange symbole. Puis, un mot suffit pour qu'une carte des Terres Uniques n'apparaisse sous leurs yeux ébahis. Kalicha s'y dirigea et pointa un doigt sur ce qui ressemblait fort à un territoire ennemi.
— Les hostilités ont déjà débuté, Seigneur Elfe. Cette partie du monde est devenue quasiment inaccessible, l'ennemi a bloqué les commerces ainsi que les routes principales. Les grandes cités sont prises... Seules quelques forteresses subsistent, mais plus pour longtemps, j'en ai peur. Voyez (il désigna une tache sombre), Pheltra Goïsm étant son territoire. Nous n'avons plus le temps. Vous devez partir, rassembler vos armées et les écraser. D'ici deux jours, des invités de marque feront leur entrée en ces lieux. Ils viendront vous prêter main-forte. Accueillez-les comme il se doit et confiez-leur sans hésitation ces enfants. Ce n'est pas une demande, c'est une exigence, sans quoi, jamais nous ne pourrons envisager la victoire. Arion et Larya devront être formés, et l’Impératrice du Ciel et des Océans aura choisi pour eux, les meilleurs maîtres que vous puissiez espérer. 
— Et qui sont ces personnes ? Interrogea Balgar curieux.
— Vous le saurez bien assez tôt. Pour l'heure, contentez-vous de préparer le départ imminent de ces enfants. Il vous reste une semaine, après quoi jamais vous n'aurez le temps de mener la mission à bien. Pour le reste, je vous laisse diriger les opérations Seigneur Balgar.
Sur ces déclarations Arion et Larya reprirent leurs esprits. La princesse ne remarqua pas immédiatement que sa main saignait abondamment, quant à Arion, son bras le lançait, mais ce n'était pas cela le plus important. Le plus important c'est qu'enfin il avait eu la preuve que toute cette histoire n'était pas insensée. Il s'inclina devant Larya et jugea les occupants de la salle. Seul Herick ne semblait pas tout comprendre. Il lui expliquera plus tard.
— Essuie ton bras Arion, nous devons nous préparer.
— Regarde ta main plutôt... râla le jeune homme déjà agacé par l'attitude de la belle dompteuse. 
— Pardonnez-nous messeigneurs, mais Arion et moi même nous retirons afin de soigner nos plaies. 
Elle sortit de la pièce après leur avoir adressé une gracieuse révérence. Arrivée à la porte elle fit signe à Arion de la suivre. Il s'inclina à son tour et quitta les lieux.

*

L'heure du repas approchait aussi Balgar, toujours affalé, donna ses ordres pour qu'on leur fasse porter de quoi déjeuner. Apus également s'était laissée tombée dans un fauteuil et fixait le plafond l'air absent. Alfard, apparemment de mauvaise humeur et contrarié, scrutait les flammes. Mais le plus marrant, aux yeux du Géneral Einkill, c'était bel et bien le jeune Herick qui faisait tout son possible pour conserver un visage impassible. 
— Bon ! Z'allez pas tirer c'te tronche jusqu'à c'soir nan ? Qu'est c'qu'on décide ?
— Que veux-tu décider en un temps si court ? rétorqua la Reine Galaxie.
— J'sais pas moi, j'suis pas un d'ceux qui prennent des décisions môa, mais m'est avis qu'vous devriez vous bouger. Nos invités, eux, vont pas attendre, j'pense.
— Dans deux jours mon ami, dans deux jours nous serons fixés et alors le destin sera en marche. Puis elle se replongea dans la contemplation du plafond.

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